Un article écrit avec Anne Lamy
Nous ne recevons pas notre patron comme notre meilleur ami… Que raconte notre façon d’inviter ? Pour donner quelle image de nous ?
« Cuisine ou salon ? » : la question est récente, en fait…
La cuisine a longtemps été une pièce utile, où l’on accueillait le facteur, les éboueurs… mais pas les invités ! Eux, ils avaient droit au salon ou à la salle à manger. La question « Cuisine ou salon » se pose aujourd’hui car les codes ont changé : dans bien des familles, on reçoit comme on est, sans façons. Pour d’autres, la réception reste un moment particulier, qui s’accompagne d’un apparat (couvert, etc.). D’ailleurs, il est instructif de réfléchir à la façon dont on reçoit : plutôt 4/6 invités ou de grandes tablées ? Repas à la bonne franquette ou « grande » cuisine ? Selon les cas, il faudra concevoir une cuisine où l’on peut dîner à plusieurs, ou un séjour où l’on déplace les fauteuils pour faire salle à manger.
Il n’y a donc plus une pièce « cachée », et une autre, où l’on s’affiche ?
La cuisine est désormais un lieu où l’on se reçoit. Mais pour l’exposer, il faut la rendre présentable. Les cuisinistes l’ont bien compris : aujourd’hui, on affiche son standing avec une cuisine suréquipée, esthétique… même si on y mange jambon-purée ! Dans le même temps, les hommes ont investi le lieu. Enfin, l’acte de cuisiner a été revalorisé ; ce n’est plus une activité solitaire, qui dégage des odeurs, salit, se fait dans un espace caché. Cela dit, les jours de grande cuisine, la pièce devient impraticable avec des invités ! En revanche, pour recevoir à l’improviste, c’est l’endroit idéal. Il suffit de la ranger et de la parer (serviettes, verres) pour lui donner l’allure d’une pièce de réception. On y recevra ses proches - mais pas son patron- et sans doute pas pour le réveillon !
L’heure est donc à la polyvalence…
Oui, notamment dans le séjour. Il est dédié au collectif, et pluriactivités : il y a un coin télé, un coin ordinateur, un coin Wii, un coin réception. Chacun vaque à son activité, tout en restant en interaction avec l’entourage. Cette polyvalence a déjà existé. Au Moyen-Age, la vie se déroulait dans une seule pièce, dont la destination changeait au fil de la journée : d’abord salon, puis chambre à coucher. Il y avait du personnel pour transporter matelas et meubles ! Ensuite, cette pièce unique a subsisté dans les milieux modestes, tandis que les riches spécialisaient leur logement, pour dédier une seule fonction à chaque pièce. Désormais, on assiste au mouvement inverse…
Accueillir du monde, c’est toujours se mettre en scène ?
Il y a toujours une mise en scène, de soi, de son couple, de sa famille. Chacun a fait un effort pour jouer le jeu : la maison est rangée, les enfants viennent saluer les invités, tout le monde s’est habillé. Les codes de ce jeu social varient selon le degré d’intimité avec les invités, le rang social qu’on leur attribue, le désir ou non de « marquer le coup ». L’intérêt, de nos jours, c’est que le lieu de réception ne suffit plus à dire qui l’on est. Car la frontière s’estompe entre cuisine et séjour : souvent, la cuisine n’est plus séparée du salon, dont elle devient presque l’un des « coins ». Mais quand la famille reçoit, pour marquer ce temps exceptionnel, on pare son chez-soi : on décore, on met des guirlandes, des bougies, etc. C’est cette intention – davantage que le lieu – qui va signifier combien on en fait un temps à part. Grâce à tout ce qu’on y met de soi…
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